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XVème Congrès de la Société Française de Médecine du Sport
Du "bon" encadrement de l’enfant sportif
TROYES 22-24 juin 95
samedi 24 juin 1995
Référence bibliographique
Claire CARRIER. Du "bon" encadrement de l’enfant sportif, 22-24 juin 1995, XV ème Congrès de la Société Française de Médecine du Sport, Troyes, France.

Discutante de la table ronde : L’environnement de l’enfant sportif : les critères de la réussite : Claire Carrier

RESUME

Puisqu’observable par l’adulte, l’enfant est inscrit dans une dynamique de croissance aux repères aussi bien physiologiques que psychologiques, sociaux que légaux. Son appartenance au milieu sportif permet également cette progression, ici du sportif tout-venant à la période de transition qu’est le statut de sportif de haut niveau (reconnu par les résultats aux sélections) pour aboutir au champion. Le code utilisé est alors, dans le cadre de la compétition, celui du record.

Cet évènement est le fait nécessaire de la globalité de la société qui en a défini les conditions d’apparition, en a reconnu la légitimité et par là en garantit la sécurité. L’analyse et la compréhension des différentes conflictualités en présence permettent à l’auteur d’interpeller la fonction protectrice de l’environnement du jeune sportif afin de permettre son épanouissement d’enfant.

Les pratiques sportives de performance dans les collèges et les lycées.

Ces réflexions sont d’emblée comprises dans une optique de prévention afin que projet scolaire et projet sportif s’harmonisent, s’équilibrent sans s’exclure réciproquement. Ce regard va servir d’axe pour notre position d’accompagnement de la réflexion des différents intervenants concernés.

insisté sur différents points organisés à partir du constat suivant : toute pédagogie devrait pouvoir correspondre à une adaptation du "savoir-à-transmettre" à l’élève à partir d’une écoute et d’une attention particulières et non l’inverse c’est-à-dire l’adaptation de ce même élève à la transmission d’un savoir "standardisé".

Cette exigence peut paraître irréalisable et il est certain que dans le quotidien des faits pédagogiques, la rigueur des programmes à observer et leur fréquent renouvellement, elle peut paraître une douce utopie. Ceci étant dit, il semble important que, malgré une difficulté de réalisation le souci qu’elle représente soit constamment présent dans les discussions sur les questions pédagogiques.

Cette écoute de l’enfant part du principe que notre interlocuteur est dans un processus de développement (tant somatique que psycho-affective, intellectuelle ou socio-environnementale), que, comparé à l’adulte, nous pourrions appeler "rapide". Le dénominateur de cette vitesse étant le temps de vie écoulé, il sera d’autant plus élevé que l’âge de l’enfant est proche de sa date de naissance. De ceci découle la remarque suivante : l’enfant n’est pas un petit homme, il n’est pas immature mais plutôt en pleine possession de ses compétences, définies en fonction du moment de son développement, donc mature pour son âge.

Cette écoute de l’enfant portera sur différents axes :

1 - La temporalité.

Les rythmes biologiques sont inscrits dans le fonctionnement humain. Il est nécessaire d’anaboliser pour pouvoir cataboliser, de mettre en réserve pour pouvoir décharger, de récupérer pour agir. Il s’agit d’un fonctionnement adaptable jusqu’aux limites de la rythmicité endogène génétiquement programmée à partir de laquelle l’organisme se met "en roue libre", afin de se protéger d’une adaptation qui, dépassant son but, mettrait en danger le minimum vital. Ainsi il est aussi important de connaître la rythmologie individuelle, que de repérer les signes de désadaptation ou de fonctionnement en "roue libre". Il est aussi notable que l’enfant, étant par définition dans un processus de développement, la maturité de son système d’adaptation est progressive et sera, de toute façon, ré-interpellée lors du remaniement neuro-hormonal de la puberté. Ce n’est qu’après cette étape que l’on pourra parler de régularité reproductible dans les rythmes biologiques dont le principal organisateur externe est l’alternance jour/nuit entraînant son synonyme, l’alternance veille/sommeil.

La prise en compte d’une temporalité spécifique s’impose également dans le rythme de l’alternance de la décharge motrice et de la récupération comme des différentes modalités d’entraînement en fonction de la discipline, de l’âge, du passé sportif...

2 - Le repérage des régressions.

Une autre constatation tout aussi évidente est que, face à un stimulus excessif, et précisant une éventuelle réponse par le fonctionnement précédemment décrit "en roue libre", existe l’alternative de la régression : ceci consiste à retrouver la sécurité d’un programme d’adaptation utilisé antérieurement dans le développement et mis en sourdine dans l’actualité de l’événement et cela peut s’observer dans différents champs de lecture.

- La régression psychomotrice est bien illustrée par cet exemple que toutes les mères de famille connaissent : un enfant de trois ans sachant déjà marcher se remet à se déplacer à "quatre pattes". Ce fait incite la maman à prendre la température, à chercher le motif de cette régression psychomotrice.

- Dans la pratique sportive, elle est parfois évidente. Un athlète surmené par un effort intellectuel venant renforcer les efforts sportifs liés à la préparation d’une compétition imminente, va "oublier" la technique gestuelle qu’il est en train d’intégrer et reprendre sa gestualité qu’il utilisait précédemment.

- La régression s’exprime aussi dans l’espace intellectuel. Là nous reprenons les théories de Piaget et celles de Wallon, pour rappeler très brièvement la période de la pensée opératoire vers l’âge de 6/8 ans, précédant, à partir de 10 ans, la pensée hypothético-déductive. Cela veut dire qu’un enfant de 7 ans dira à sa mère qu’il a vu "des" lunes dans le ciel pour expliquer qu’il a observé la lune dans différentes positions par rapport à la terre. Il utilise-là un mode de pensée factuelle, "stroboscopique", sans faire le lien entre ces différentes remarques. Plus tard, il pourra dire qu’il a vu la lune se déplacer dans le ciel, ce qui est toujours aussi faux, car bien évidemment, il n’a pu visualiser la trajectoire de la lune par rapport à la terre et au soleil, mais il exprime-là une illusion conceptuelle qui témoigne de son accès à la capacité d’ intégrer la transformation des objets et par là, la troisième dimension. Il est passé de la face au profil et comprend les phénomènes de perspective. Une régression de type intellectuel va consister par exemple à l’impossibilité d’intégrer un enchaînement gestuel : l’athlète qui pouvait réaliser cinq difficultés sur la poutre, s’interrompra au bout de la troisième, demandant à l’entraîneur quelle est la figure qu’il doit effectuer. Un enfant prendra son cartable mais oubliera d’y mettre la trousse et les crayons pour le cours de dessin : il part à l’école mais ne peut anticiper les différentes activités qui vont être les siennes.

- Un troisième niveau psycho-affectif de régression peut aussi être observé : il s’exprime autour de l’accès à la reconnaissance de l’altérité dont nous allons expliquer les stades successifs à l’aide de ces schémas commentés.

Initialement, l’enfant (E) dans le ventre de sa mère (M) est dans une relation à deux continue, à deux, avec elle ; ce duo étant contenu par la présence du père (P).

Lors de la naissance et dans les premiers mois de vie, l’enfant reste dans cette exclusivité maternelle, à travers les points de contacts que sont le regard et la tétée.

Ce n’est qu’à partir du "stade du miroir", vers l’âge d’un an que l’enfant va s’apercevoir à travers son reflet dans le miroir de sa différence par rapport à sa mère. La relation de continuité (ou narcissique) qu’il avait avec elle va devenir une relation de contiguïté acceptant un espace entre lui et sa mère, de plus en plus important.

A partir de cette "séparation", il va pouvoir repérer ce qui vient de lui et ce qui est de sa mère, puis de son père, puis des autres personnes proches de la famille, de la crèche, de l’école, etc. Ainsi apparaît la reconnaissance de l’autre, différent de soi, et donc débute l’accès à l’altérité et à l’espace relationnel.

Une régression psycho-affective se remarque lorsque s’exprime à nouveau un comportement du type dyadique : sucer son pouce à nouveau, rétrécissement relationnel, accrochage particulier à la mère. Revenant à notre exemple de l’enfant de 3 ans fébrile : on notera alors une difficulté à quitter les bras de la mère, voire de véritables hurlements lorsque cette séparation sera nécessaire, pour des raisons médicales par exemple.

Dans ce registre-là on peut observer chez les sportifs, des réactions de dépendances-accrochages à l’entraîneur, d’apparition récente qui témoignent d’une régression psycho-affective révélant une difficulté d’adaptation en cours.

Pour conclure succinctement cette question de la compréhension de la régression, il convient d’insister sur le repérage des différents niveaux de la régression en cours et de la comparer au niveau de développement global de l’enfant en cause, c’est-à-dire, référé à ses propres compétences.

En effet, si les auteurs ont tous décrit des stades de développement, la réalité clinique exige une souplesse dans leur application diagnostique : ils se succèdent certainement chez l’enfant mais leur temps d’opérationnabilité et leur investissement mnésique restent strictement individuels. Ceci veut dire que seule l’observation diachronique de l’enfant permet un bon diagnostic et met l’accent sur l’importance du carnet de santé ou de tout autre forme de suivi individualisé s’appuyant sur la comparaison de bilans de santé successifs.

3 - L’analyse des conflits ingérables par l’enfant ou "phénomène de bouc émissaire".

Ce phénomène est bien connu et se repère dans tout groupe humain. Il s’agit de désigner un coupable, "un mauvais sujet" sur lequel vont pouvoir se déplacer tous les mouvements de culpabilité, agressivité, destructivité, de chacun des membres du même groupe. Si l’on ne peut éviter ce mode de fonctionnement, il est très important et "adulte" de le repérer et de lui garder toute sa souplesse. Ceci sous-entend que le "bouc émissaire" change et se multiplie afin d’annuler la cristallisation et la rigidification de cette désignation groupale. Un exemple scolaire banal : la "tête de turc" d’une classe qui est l’élève rejeté par les professeurs, et très rapidement par les élèves, suivant l’exemple de ce professeur. Il en est de même pour le phénomène du "chouchou", avec cependant une nuance importante qui est la mise en conflit d’une désignation positive par les adultes et, généralement, négative par les enfants.

Il nous semble qu’une des fonctions éducatrice principale est l’éducation à la circulation de ce phénomène de bouc émissaire et là prend toute sa place l’éducation physique et sportive. En effet, par son intérêt pour le corps, par le langage non verbal à travers l’imitation, par sa valorisation du jeu, cette discipline s’inscrit dans une complémentarité absolue par rapport aux autres disciplines scolaires. Par là peut être reconnue une compétence qui peut devenir une solution pour détendre un phénomène de "bouc émissaire". Dans cette optique, il est souhaitable que chaque élève soit désigné pour les autres, par sa différence - l’un est noir, l’autre est bon en maths, le troisième a des parents au chômage, le quatrième. etc. - et que cette éducation au respect de la différence soit la solution retenue pour "sublimer" l’inévitable phénomène de bouc émissaire.

Une autre expression de ce phénomène se retrouve en particulier chez les sportifs lorsqu’est constatée la mise en situation par la société sportive d’un athlète dans un système de conflits ingérables par lui-même.

Parmi ces systèmes de conflits ingérables nous pouvons donner quelques exemples. Une des modalités fréquemment rencontrée s’affirme lorsque l’entraînement se déroule à une heure de cours ou encore quand les épreuves du BEPC ont lieu en même temps qu’une sélection.

Que privilégier ? A qui faire plaisir ? Qui décevoir ?

On rencontre encore des conflits ingérables lorsqu’il existe un désaccord entre l’équipe médicale et l’entraîneur sur la durée d’immobilisation d’un athlète après une blessure. Connaissant la précarité des acquisitions, l’entraîneur stimule la reprise pour ne pas interrompre trop longtemps l’exercice physique tandis que le kinésithérapeute et l’équipe médicale menacent d’une rechute ou d’une pénalisation plus longue si n’est pas respecté le temps biologique nécessaire à la cicatrisation. Dès que possible, l’entraînement est repris en épargnant les zones blessées du corps. Le conflit peut devenir ingérable pour l’athlète "tiraillé" entre la nécessité de se soigner d’une part et celle de suivre les conseils de son entraîneur d’autre part.

Il existe aussi des conjonctures socio-politiques exceptionnelles. Lors de la "guerre du Golfe", une sportive d’origine maghrébine n’a pu, pour des raisons de sécurité, rendre visite à sa famille. Ce point la distinguait des autres athlètes et avait occasionné quelques week-ends solitaires. La jeune fille allait bientôt développer des troubles du comportement mettant en danger le jeu de son équipe sur le terrain. Ces crises d’excitation, véritables attaques de panique, figeaient, à la fois, sa pensée et ses capacités à maîtriser la situation. Un travail avec l’entraîneur a permis, en favorisant le contact téléphonique de la jeune athlète avec sa famille, de rassurer la fille comme la mère qui s’inquiétaient l’une pour l’autre. Cette reprise de communication a du même coup resitué le compromis culturel au niveau de l’investissement sportif demeuré apolitique. Le conflit que devait supporter cette jeune fille : faire plaisir à un entraîneur français " ennemi de sa race " et politiquement en guerre contre les siens retentissait sur ses performances sportives sans que ses capacités physiques puissent être mises en cause.

De ceci il découle que les modalités de prévention de ce phénomène passent par la reconnaissance de la valeur pédagogique de l’EPS et de ses enseignants, en particulier par ses collègues des disciplines ou des matières à fort coefficient au baccalauréat.

- Tous ont pu exprimer une sorte d’urgence à répondre de manière efficace aux différentes instances intervenant dans la mise en place de classes de type sport-études au sein des lycées et collèges. Si cette insistance ne porte pas directement sur la demande express de résultats sportifs, cette attente est néanmoins très présente dans les discours. L’attention est alors attirée sur une mise en garde d’une sorte de déplacement sur le champ scolaire du mode de fonctionnement observé dans le sport de haut niveau. En effet, cet espace de l’extrême et de la performance humaine fonctionne dans une sorte de déni du temps qui passe puisqu’il faut tout de suite être le meilleur. Ainsi plus le temps passe plus il devient impensable de le perdre en réfléchissant la situation en cours. Ce risque, bien connu chez les sportifs, de haut niveau peut éventuellement être exprimé par rapport à l’espace scolaire exigeant alors une réponse immédiate et performante. Il semble très important de dénoncer ce phénomène afin de garder au cadre technique comme scolaire, tout leur espace de liberté pour penser et anticiper leur projet institutionnel et pédagogique. Ce n’est qu’en s’appuyant sur cette réflexion qu’ils sauront alors répondre à l’angoisse des parents (et la course à l’élitisme ou à l’urgence ambiante de l’excellence) comme à leur culpabilité d’apparaître comme "mauvais" s’ils suivent leurs propres perception du rythme de leur enfant. Il est bien évident que si nous avons insisté sur le phénomène des régressions, nous observons également le mouvement inverse consistant en des acquisitions étonnement rapides et durables "rattrapant" de manière tout à fait exemplaire le relatif retard lié à un moment régressif.

- Le deuxième constat concerne la variété des disciplines sportives.

Il convient de relativiser avec M. Lévèque, la signification donnée par le sujet/acteur sportif aux différentes disciplines sportives et la résonance fantasmatique qu’il a de son investissement. En effet, l’interrogation des spécialités sportives, de leur symbolisme et de leur organisation signifiante, nous renseigne sur les voies de résolution privilégiées qu’elles procurent, les satisfactions qu’elles concèdent, les fantasmes qu’elles apaisent. Et, inversement, se dessine alors par quel ajustement l’activité se fait "structure d’accueil" pour une problématique ; par quel profil chaque spécialité renvoie à une certaine image du corps.

Ainsi, poursuivant avec cet auteur, quatre modes de pratiques peuvent être distingués. Ils dévoilent une grille de lecture qui suit le développement affectif de l’enfant : rupture de la symbiose mère-enfant, constitution initiale d’un narcissisme corporel, accès à l’autonomie. Elles peuvent se regrouper en disciplines d’une part de type narcissique et d’autre part de type objectal reconnaissant l’altérité.

Ainsi nous pouvons remarquer que les disciplines sportives répertoriées dans les trois premiers groupes facilitent une réactivation d’un fonctionnement psychique de type narcissique alors que celles correspondant au quatrième groupe, avec la reconnaissance de l’altérité, permettent d’exprimer une relation objectale. De plus, dans ce dernier cas, la présence physique de l’arbitre installe cette relation dans l’actualité et dans l’instant du geste sportif effectué. Ainsi l’histoire de la progression des records se déroule-t-elle dans le même temps que la performance sportive elle-même. Pour cela, ces dernières disciplines semblent être beaucoup plus adaptées au niveau du développement psycho-affectif des athlètes concernés.

De cette classification à partir du développement psychologique de l’enfant, (que nous avons déjà développée en parlant du problème de la régression psycho-affective), découle la compréhension de l’attirance et de l’intérêt que peut représenter telle ou telle pratique sportive à tel ou tel âge. Renforcer un espace narcissique sollicite la réactivation de cette période très précoce du développement. Cette réactivation peut être vécue comme une réassurance ou se fixer dans une sorte de refus de vieillir témoignant d’une souffrance psychologique. Apparaît alors une mesure préventive : proposer à tous ceux qui pratiquent une discipline de type narcissique de manière élective une activité ludique dans une discipline de type objectal et inversement. Cet équilibre est bien connu des entraineurs qui spontanément incitent à ce genre de complémentarité.

Cependant reste entière la question du dépistage de ces signes de fragilité psychologique qui peuvent n’être que temporaires, mais qui risquent, en se fixant, d’invalider la croissance psychique comme physique du sujet.

Proposition d’éléments constitutifs d’un cadre pluridisciplinaire

A partir de ces différents constats a pu être établie en commun une grille de réflexion à visée préventive qui a d’emblée séparé les questions posées par la pratique sportive à un enfant scolarisé en collège ou en lycée.

En effet, on peut considérer que les enfants scolarisés en collège sont en pleine puberté, et ceux en lycée, se trouvent d’un point de vue somatique, dans une sorte d’équilibre post-pubertaire. Or, nous avons vu qu’un excès de demande d’adaptation provoque une désadaptation qui est la mise "en roue libre" de l’organisme et du psychisme.

Et là nous pouvons rappeler les différents espaces d’adaptation sollicitant à chaque instant le sujet : 1) par rapport à lui-même ; 2) par rapport à ses ascendants et descendants seront "stressants" car nouveau toute forme de rupture d’équilibre : naissance divorce éloignement professionnel déménagement décès accident... ) ; 3) par rapport à ses pairs ( ici intervient la prise en compte des relations affectives : "meilleur" ami, "petit(e) ami(e) "... ) ; 4) par rapport à son insertion socio-professionnelle (ou le projet professionnel individuel, l’idéal social familial... ) ; 5) dans un contexte culturel et politique dans chaque cas original.

Caricaturalement, nous savons qu’un individu ne peut pas s’adapter à des modifications concernant plus de trois des espaces ainsi décrits. Ainsi et d’entrée de jeu, un enfant, lors de sa puberté se fragilise dans le premier espace a priori. Ce phénomène concerne aussi la pratique sportive intensive qui propose une utilisation originale de la force de la poussée pubertaire en privilégiant le développement de l’appareil musculaire et de l’espace des sensations.

Premier cas de figure

Nous nous adressons à un enfant scolarisé dans un collège (6° à 3°) et pratiquant une discipline sportive visant le haut niveau (période des compétitions se déroulant lorsqu’il sera au lycée). Nous sommes dans l’éventualité où un des espaces d’adaptation est déjà touché a priori et où il "reste potentiellement" deux espaces avant de voir apparaître une désadaptation. C’est devant cela, qu’à notre avis, il est très important de renforcer le cadre contenant cette scolarité, ceci d’autant plus que cette "protection" prolonge celle qu’exerçaient les parents durant la période de "latence" pré pubertaire et propose par là une possibilité de déplacement sur le cadre en place des mouvements d’opposition aux parents.

Un deuxième élément apparaît également non moins important : le respect d’un vécu ludique de son activité motrice avec accompagnement de ce moment de la sélection où le plaisir spontané devient le respect de la règle ("maintenant, je ne m’amuse plus, je travaille !").

Ce renforcement du cadre concernera :

- l’aménagement des horaires : éviter le cumul des moments forts sportifs avec les points forts scolaires ; favoriser les périodes de vacances communes avec "les copains d’avant le sport" (en effet, il est fréquent de voir se dérouler pendant les vacances scolaires les stages de perfectionnement).

- la régulation des options afin de les répartir dans le temps de la scolarité et de ne pas surcharger en efforts d’adaptation intellectuelle un individu à qui est déjà demandé un effort tout à fait spécifique d’adaptation. De plus il est remarquable que certaines options peuvent conforter le projet sportif alors que d’autres viennent s’y opposer en introduisant des questions insolubles dans le temps imparti.

- la mise en place d’une équipe pluridisciplinaire concernant les différents intervenants auprès de l’élève, qu’il s’agisse du chauffeur du car de ramassage ou du proviseur. Plus l’élève sentira et comprendra que les adultes savent gérer les différences individuelles et surtout les inévitables questions de rivalité et de pouvoir, plus il trouvera sa place sans se sentir l’objet d’un quelconque déplacement, qu’il s’agisse de ses propres parents, de certains cadres pédagogiques ou techniques. Même si les conflits internes sont inévitables dans une équipe, voire même souhaitables car preuve de sa vitalité, il peut être désastreux que l’élève en soit témoin ou pire, en devienne un acteur.

L’intérêt de cette équipe pluridisciplinaire se révèle aussi par une fonction de régulation des inévitables discontinuités aux quelles l’élève est soumis : il convient de renforcer les espaces non touchés par l’insécurité. Ainsi un élève qui voit son "meilleur ami" déménager et partir à l’étranger, qui apprend la naissance d’une petite sœur alors que son père est au chômage est particulièrement en difficulté si l’environnement scolaire se révèle fragile (enseignant absent) ou s’il est blessé.

De plus, revient à cette équipe un rôle de dépistage des petits signes de régression témoignant d’une souffrance psychologique. Nous retiendrons, dans l’état actuel de nos recherches, le refuge dans le sommeil, le grignotage sucré, la diminution des capacités d’attention (il s’agit alors d’une baisse de vigilance observée dans une activité jusqu’alors vécue avec plaisir par l’enfant : cassette vidéo, lecture de BD, etc...), la réapparition d’un parler bébé avec une sorte de complaisance dans un langage scatologique, une prédilection pour la saleté non pas occasionnelle, ce qui est banal, mais s’installant et contrastant avec le comportement antérieur.

Deuxième cas de figure

Notre adolescent déjà pubère est au lycée et son activité sportive est de haut niveau. Alors qu’au collège il pouvait aménager son temps sportif et son temps scolaire, maintenant il s’agit de privilégier la vie sportive autour du calendrier des compétitions et de l’entraîneur ; ceci non pas au détriment de la vie scolaire, mais bien en maintenant la vie scolaire d’une manière la plus efficace possible. Apparaissent alors des conflits "normaux" dont il est important de parler afin de les rendre stimulants et non pas angoissants. Alors peut prendre place une éducation à la définition imparfaite de la vie, question constamment posée, qui contraste avec les besoins de monde merveilleux de l’enfance. Maintenant le cadre s’aménage afin de favoriser une autonomisation qui ne soit pas synonyme de destruction ou disparition du système protecteur (quitter ses parents n’est pas synonyme de les tuer malgré les fantasmes que l’on peut en avoir ; gagner et changer d’entraîneur ne signifie pas l’abandon du premier... ). C’est autour de cet aménagement que portera l’effort de la concertation parents/équipe soignante/équipe pédagogique/équipe sportive. Les signes de fragilité à cette période, s’expriment plutôt sur le registre de l’apparition d’une insomnie d’endormissement (de plus d’une heure durant plus de huit jours) ; de difficultés d’autonomie avec par exemple une difficulté à prendre un billet de train, à prévoir un repas, etc. le refuge dans certaines conduites de dépendance, type cigarettes ou alcool ; la perte de la subtilité des habitudes au profit du seul geste efficace (comme exemple, se coucher tout habillé pour dormir, sans plus respecter le rituel de déshabillage, de la toilette et de l’endormissement) ; les troubles de l’attention de la même façon que pour les plus jeunes et dans les deux cas, nous retrouvons une baisse de la motricité spontanée (un adolescent ne joue plus spontanément au foot avec un caillou dans la rue ; préfère depuis peu prendre l’ascenseur plutôt que de monter par l’escalier, etc.)

En guise de conclusion, il nous semble important de rappeler deux notions de "bon sens éducatif" :

- donner accès à nos jeunes interlocuteurs avant la fin de la période pubertaire à un maximum de programmes afin qu’ils aient à leur disposition un patrimoine constitué d’un potentiel adaptatif le plus riche possible. Ainsi confortés, ils pourront affronter la variabilité de plus en plus grande de leurs futures conditions de vie.

- respecter et développer leur plaisir de vivre à travers un éprouvé de plus en plus riche de leur sentiment d’existence par rapport à eux-mêmes et en relation avec les "autres". La vie n’est pas une "galère" a priori !

Références bibliographiques

- Carrier C. L’adolescent champion Contrainte ou liberté Paris, P U F, 1992

- Lévèque m., Contribution à une lecture différentielle des pratiques sportives, Enfance, 1985, 4, 403-418.

- Du stade au quartier Le rôle du sport dans l’intégration sociale des jeunes, Paris, Ed. Syros/alternatives, 1993

- Sciences humaines et cliniques et pratiques corporelles, tomes I & II, Montpellier, Ed. Quel corps ?, 1993, 45-46

- Actes de l’Université d’été - Montpellier ; Septembre 1992 ; à demander à Madame le Docteur A. Owhadi-Richardson, Rectorat, 31 rue de l’Université, 34064 Montpellier Cedex 2.

Que cette sécurité encadrante vienne à décevoir, que certains conflits psychiques propres au sujet-athlète ou non contenus par la relation entraineur-athlète s’extériorisent,

Il semble intéressant de souligner à travers notre pratique clinique que les principales sources d’insécurité se situent autour de deux axes :

- celui de la relation entraineur-athlète

- et celui de la place de l’investissement sportif de l’athlète dans la dynamique familiale.

 

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