A côté de ses bienfaits physiologiques, l’activité sportive permet à l’enfant de prendre conscience de son corps : comment fonctionne-t-il ? Comment et jusqu’où peut-on le solliciter ? et d’enrichir son patrimoine psychomoteur de multiples schémas gestuels.
Cette prise de conscience, cette découverte, se fait par l’épanouissement du plaisir de jouer avec son propre corps.
Endurance et persévérance sont des vertus que l’on attribue souvent à la pratique d’un sport. Elle doit être également l’occasion d’apprendre à s’enrichir d’un échec.
Chez l’enfant, la période pré-pubère est la plus propice pour intégrer dans sa mémoire des gestes variés : apprendre à sauter, à courir, à lancer un objet, etc. Ces programmes psychomoteurs enregistrés facilement seront confortés à partir de la puberté ; une fois la croissance terminée, l’adolescent pourra « puiser » dans sa propre banque de données et s’en servir pour s’adapter à toute sollicitation corporelle, activités physiques (sportives ou pas) comme sociales. C’est pour constituer ce patrimoine psychomoteur, qu’il est extrêmement important de multiplier les mises en situation sportives dès le plus jeune âge. A partir de 20 ans, la mémoire, toute occupée à recomposer ce qu’elle a acquis, n’est plus aussi disponible pour l’encodage de nouvelles données : l’intelligence psychomotrice s’exprime alors dans toute sa maturité.
Apprendre à chuter au judo est un exemple parmi tant d’autres de ces programmes psychomoteurs acquis au cours d’une activité sportive et qui peuvent s’avérer indispensables pour la pratique d’autres sports (comme l’équitation). Au sens figuré, la chute (comprise comme un échec) doit être vécue comme une variante de l’action en cours et non comme une rupture ou une interruption définitive. Et, plus largement, cette expérience est un support fondamental pour l’éducation à l’art de « faire avec » les mini-obstacles du quotidien.
Les rythmes biologiques
Pratiquer une activité physique permet à l’enfant (et à son entourage) de prendre conscience de ses rythmes biologiques : à quel moment suis-je au maximum de mes capacités ? Quelle est la tranche horaire pendant laquelle je suis le plus efficace ? Le plus « éveillé » ? A quelle heure ai-je faim ?
Par le sport, l’enfant apprend à adapter ses rythmes personnels en fonction de ce qu’on attend de lui. Il apprend dans un premier temps comment il fonctionne puis comment il peut faire coïncider son propre fonctionnement - ses propres rythmes - avec les règles qu’on lui impose.
Sport et réussite scolaire
On ne peut pas dire que tout enfant pratiquant une activité sportive aura de meilleurs résultats scolaires. Cependant, il est certain que la pratique sportive privilégie les entrées sensorielles : l’audition, la vision et le déplacement du corps (kinesthésie). Selon la nature du sport (collectif, individuel, d’opposition, etc.), ces sens sont toujours sollicités et entraînés de manière plus ou moins importante.
Une fois constituées, ces mémoires sensorielles ne demandent qu’à être activées : au cours du parcours scolaire d’un enfant, ne serait-ce que pour l’apprentissage et la mémorisation de ses leçons.
Que gagne-t-on à perdre ?
Il y a toujours quelque chose à apprendre de la défaite. Dans le sport, notamment de haut niveau, la réussite est quelque chose de voulu, de programmé ; or c’est bien souvent dans la non-réussite que se révèlent les possibilités créatrices.
Pour preuve, l’éclatante réussite de Dick Fosbury aux Jeux Olympiques de 1968. Ce sauteur en hauteur qui ne réussissait pas à s’adapter aux techniques de saut en vigueur révolutionna la discipline en franchissant l’obstacle de dos. Personne, pas même son entraîneur, ne croyait en cette technique qui est maintenant devenue la norme, et qui porte son nom (« Fosbury’s flop »).
L’échec, que l’on peut définir comme un résultat insuffisant dans l’échelle de mesure de la compétition sportive, permet de comparer ses propres limites (son « maximum ») avec l’au-delà recherché (l’extrême de la performance). Il oblige l’enfant à puiser dans ses capacités créatrices (à partir de sa propre expérience de vie) à la fois pour s’accepter (« Je me suis quand même bien débrouillé ») et pour se dépasser. La réussite sportive, c’est le résultat performant qui se suffit à lui-même : rien ne le surpasse. La non-réussite, c’est en quelque sorte « la vie qui continue. »
Si la pratique sportive utilise peu les mots, elle reste quand même un langage. Ce langage du corps sportif, très codé, laisse cependant apparaître des émotions, personnelles et privées, qu’un entraîneur doit être capable de différencier. La douleur, exprimée par le corps, n’implique pas forcément son acceptation par les entraîneurs ou par les sportifs eux-mêmes. Marc-Vivian Foé, ce footballeur mort récemment sur le terrain à la suite d’un malaise cardiaque, avait souhaité finir son match malgré les réticences de son entraîneur qui avait, de son banc, constaté sa baisse de régime.
Chez les plus jeunes, pratiquer un sport doit être l’occasion d’apprendre ses limites ; pour ce faire, on ne répétera jamais assez le rôle essentiel de l’entraîneur ou de l’éducateur sportif. On peut accepter l’effort, que demande par définition toute activité sportive, mais sans aller jusqu’à la destruction. Il faut garder à l’esprit le plaisir de l’activité sportive : plaisir du jeu, plaisir de vivre dans son corps, joie de vivre avec d’autres, plaisir d’être bien quelle que soit la place qu’on occupe.