La pratique sportive visant la haute performance est en elle-même une mise en situation de déséquilibre tant physique que psychique d’un individu donné dans la temporalité exceptionnelle et extraordinaire qu’est le spectacle de cette performance.
Cette reconnaissance "économique" des performances sportives varie considérablement en fonction du sexe et de la discipline ; elle entraîne, ipso facto, une rivalité d’intérêt entre leurs pratiquants ainsi qu’une modulation des motivations puisque certaines ont un avenir professionnel et d’autres pas. Ces critères objectifs imposent une tension d’effort au sportif ainsi sélectionné cette tension correspond d’une part à la nécessité de rester au niveau (en s’adaptant aux aléas des variations des modalités d’arbitrage, des modifications de certaines règles de jeu etc...) et d’autre part à la satisfaction de certaines anticipations programmées de sa progression. Ayant misé sur un potentiel, les résultats doivent être là pour que le soutien financier et social perdure. Ils permettent de repérer les disciplines non olympiques dites californiennes. Celle-ci, de plus en plus nombreuses (saut à l’élastique, chute libre, Paris-Dakar...), ne sont pas régulées par des sélections mais par le partenariat. D’apparition récente, ces activités d’aventure ou de vertige, se pratiquent en plein air. Le combat est individuel contre un adversaire surhumain : "la nature personnifiée". Ces "sportifs d’un nouveau genre" rejettent en bloc tout ce qui pourrait évoquer l’affrontement à l’autre (qu’il soit adversaire individuel au groupe) et en raison de cela, ne se retrouvent pas dans des centres d’entraînement.
Des critères subjectifs du haut niveau, nous retiendrons le principe d’une aptitude particulière à "se structurer" autour d’une tension d’insatisfaction, un manque posés a priori : être second est toujours insuffisant et la place de premier doit constamment être défendue. D’où une nécessaire adaptation quotidienne renvoyant à la problématique du stress ou tension d’excitation efficace. Elle sous-tend une sorte de révélation d’un sentiment de solitude de type existentiel du fait de tensions de rivalité exacerbées. Le record, cet "au-delà" des limites pose la question du risque d’éclatement pris par celui qui le met en scène. La violence de cet effort actif va devoir s’appuyer sur des mécanismes psychiques spécifiques, en particulier la pensée magique. Ce mode de fonctionnement que nous avons chacun dans notre patrimoine mnésique correspond au stade de développement de l’enfant-roi à qui tout est possible. Il doit ici être réactivé pour contenir et ainsi utiliser une inévitable angoisse de morcellement.
Ceci est particulièrement bien exprimé par ce champion : " Jusqu’à présent, j’étais à mon maximum et je gagnais, mais à cette compétition je savais qu’il fallait que j’aille au-delà... alors pendant les dix jours précédant j’ai mangé le plus de vitamines possible... pour pouvoir donner le "plus" qu’il fallait...". Ces réflexions témoignent à la fois de la perception/estimation d’une limite à dépasser et d’une anticipation de ce débordement. En effet, le "plus" apporté par les vitamines pourrait magiquement contenir l’éclatement secondaire à la performance réussie. Le recours aux idées magiques rassure et maintient dans une sorte de cohérence les idées de toute-puissance si nécessaires pour aborder la performance. Là apparaît toute la subtilité de la question du dopage : ce "plus" interdit s’appuie sur cette inévitable sensibilité à la pensée magique et témoigne souvent, par l’excès qu’il dénonce, d’un débordement dans la maîtrise de la préparation tant biologique que physiologique ou psychologique*. Ces notions de recharge énergétique pré ou post compétitives, licites ou illicites, attirent l’attention sur l’envers de la décharge catabolique de l’acte performant : la récupération.